Souvent négligé lors du bilan vital puis général, l’examen de la peau et des muqueuses apporte beaucoup de renseignements.
Chaleur, couleur, humidité, pli cutané, hématomes sont les éléments à rechercher.
En urgence on dépistera extrémités froides et pâles et peau cyanosée surtout au niveau des lèvres et des ongles.
On ne peut pas conclure sans une analyse des circonstances. Parfois ces anomalies sont physiologiquement explicables, d’autres fois manifestations d’une détresse cardio-circulatoire et/ou respiratoire.
Le médecin qui s’occupe des maladies de peau est le dermatologue.
Mais du chirurgien au spécialiste en passant par le généraliste, tous sont concernés par l’examen de la peau et des muqueuses.
Comprendre
“L’enseignement en physiopathologie doit être suffisant pour permettre au candidat d’identifier les signes d’alerte afin de mettre en œuvre les procédures d’urgence adaptées, sans entrer cependant dans un niveau de détails trop important afin de rester dans le cadre des missions de l’ambulancier.
Rappel anatomique
Elle comporte des poils, des nerfs pour la sensibilité, des glandes (pour la sueur) et le bout des vaisseaux (la peau saigne).
Elle recouvre toute la surface du corps.
La couche superficielle s’appelle l’épiderme composé de plusieurs couches de cellules qui meurent et régénèrent.
En dessous, il y a le derme avec des vaisseaux, des fibres élastiques, du gras, et l’origine des nerfs sensitifs avec ces récepteurs (capteurs) de la douleur mais aussi de la température , de la pression.
Rappel physiologique
La peau a une fonction de :
– protection notamment contre les microbes (Voir hygiène)
–
régulation de la température
– information sur l’environnement (toucher, douleur…)
Elle est très sensible et sa fonction de toucher nous permet d’avoir des sensations ou nous alarme par la douleur.
Sa coloration varie en fonction de la race et de l’exposition au soleil.
La dominante rosée est due à la couleur rouge de l’hémoglobine contenue dans le globule rouge.
Elle est aussi fonction de la bonne perfusion de la peau par les vaisseaux sanguins.
Bilan
L’examen de la peau est une étape obligatoire du bilan initial.
Elle se fait par l’inspection (les yeux) mais aussi au toucher et à la pression (recherche d’œdème, pli cutané).
La chaleur est comparée à celle de celle de vôtre peau en plaçant respectivement le dos et la paume de la main sur le front de la victime.
Cette peau peut être plus froide ou plus chaude que la votre, être très sèche, ou au contraire moite, ou au maximum couverte de sueurs.
Pour les membres il faut comparer les 2 côtés.
On peut aussi regarder les muqueuses où il n’y a pas de peau : paupières, ongles.
Mais l’analyse du résultat ne peut se faire qu’avec les autres signes recueillis et avec les circonstances.
Par ex. une peau froide et pâle peut correspondre à une hémorragie grave mais aussi à une simple frayeur ou après une baignade dans une mer très froide!
Normalement, la peau de la victime est chaude et sèche et ses muqueuses sont roses.
Donc :
- Couleur ?
- Chaleur ?
- Humidité ?
- Plaques ? hématomes ?
Anomalies
Anomalie de la couleur
Peau pâle voire livide
souvent associée à une peau froide.
L’origine est variable et il faut l’analyser en fonction du contexte.
Elle traduit :
- la fermeture des vaisseaux de la peau (appelée vasoconstriction).
- de la simple frayeur en passant par l’hypothermie et jusqu’à la détresse circulatoire
- le manque de globules rouges et donc d’hémoglobine rouge
- anémie aigue souvent une hémorragie (apprécié aussi en observant la face interne des paupières)
Peau bleutée ou cyanosée
Elle se voit mieux au niveau des muqueuses.
Elle traduit un manque d’oxygène ou hypoxie, mais les extrémités sont aussi bleutées et froides lors d’un état de choc ou d’une température basse.
La saturation (SAO2) baisse en dessous de 95 %. (Mesurable par l’oxymètre de pouls)
Une peau bleutée au niveau d’un seul membre ou d’une extrémité correspond à une ischémie aigue (artère bouchée dite thrombose).
Néanmoins il faut regarder le contexte : le froid ou le stress peut se traduire aussi par des extrémités froides et cyanosées.
Peau marbrée
Les marbrures sont des zones violacées et pâles qui apparaissent surtout au niveau des genoux et des cuisses.
C’est un très bon indicateur d’alerte vitale de détresse circulatoire potentielle: déshydratation, état de choc…
Plaques rouges
Elles apparaissent progressivement ou brutalement avec ou sans œdèmes.
Elles traduisent une allergie.
Attention une détresse circulatoire (choc allergique ou anaphylactique) peut brutalement survenir et/ou une détresse respiratoire.
Purpura
Ce sont des plaques bleues plus sombres survenant dans un contexte infectieux surtout de l’enfance.
Appelé purpura fulminans, elles peuvent grandir très rapidement (les entourer avec un stylo à bille).
L’intervention d’un SMUR est nécessaire très rapidement. (état de choc septique, mortalité importante)
Hématomes non traumatiques
Il faut interroger pour vérifier qu’il n’y a pas de traumatisme oublié ou caché (femme battue, enfant maltraité)
Spontanés, leur origine est parfois un trouble de la coagulation du sang.
Peau jaune
Elle s’appelle un ictère. (le blanc de l’oeil est aussi jaune)
Elle traduit une maladie du foie (hépatite, cirrhose), de la vésicule biliaire ou du pancréas (cancer).
A noter qu’associé la présence de nombreuses veines superficielles de l’abdomen confirme une cirrhose.
Anomalie de la chaleur
Peau chaude et rouge généralisée
Elle traduit:
– une hyperthermie (coup de chaleur) (◁ Revoir cours hyperthermie)
–
de la fièvre (infection)
–
une réaction allergique
Peau chaude et rouge localisée
Elle traduit:
– une brûlure ou coup de soleil
– une infection localisée: panaris, furoncle….
– une piqure d’insecte
Peau froide généralisée
Elle traduit une hypothermie à confirmer (◁ Revoir cours hypothermie)
Peau froide aux extrémités
souvent associé avec pâleur et/ou cyanose.
Elle traduit la fermeture des vaisseaux de la peau (appelée vasoconstriction).
La cause va de la simple frayeur en passant par l’hypothermie et jusqu’à la détresse circulatoire
Anomalies de l’humidité
Sueurs
Associées à un encombrement et une cyanose, elles traduisent l’accumulation du gaz carbonique ou hypercapnie, due à une asphyxie.
Des sueurs isolées ont une tout autre origine :
– violente douleur,
– émotion,
– malaise,
– état de choc,
– manque de sucre (hypoglycémie) ,
– fièvre
Encore une fois on peut conclure qu’en analysant le contexte
Anomalies à la palpation
Pli cutané
En pinçant la peau (avant bras), normalement la peau élastique ne garde pas le pli sauf en cas de forte déshydratation (nourrisson et vieillard).
Œdèmes
C’est de l’eau sous la peau. La pression marque le doigt. On dit qu'”il garde le godet”
On les rencontre dans l’insuffisance cardiaque, des mauvaises jambes avec varices, allergie, piqure d’insecte mais aussi entorse.
Peau traumatique (Rappel)
Plaies
L’ouverture de la peau se fait le plus souvent par un objet tranchant.
Il y a coupure, contusion, écorchure, lacération, ecchymose, hématome…
Elle saigne en quantité modérée sauf en cas de section exceptionnelle d’une grosse artère.
Le coup ou l’objet tranchant a pu endommager un organe sous jacent et en premier les tendons et nerfs.
Si en regard de la plaie l’os est cassé, on parle de fracture ouverte.
Négligée, la plaie peut s’infecter ou faire perdre beaucoup de sang (hémorragieexterne, anémie).
L’examen de la plaie doit être complet en décrivant son aspect, la présence d’un corps étranger .
◁ Voir chapitre traumatisme (M1)
Brûlures
La chaleur est à l’origine des brûlures les plus fréquentes.
Le risque principal est l’infection.
Pour les brûlures graves, les conséquences possibles sont la détresse circulatoire et/ou respiratoire.
Il faut immédiatement refroidir pendant 15 mn puis recouvrir avec un champ ou drap stérile.
Le bilan évalue l’étendue, la profondeur et recherchera les facteurs de gravité comme l’âge, les tares, les traumatismes associés
Pour les brûlures graves, après avoir refroidi, il faut réchauffer, oxygéner, et alerter.
Catalogue de maladies impliquant la peau (Savoir +)
Il existe un grand nombre de maladies ou détresse ayant des signes cutanés.
Parmi ce long catalogue citons:
Ischémie aigue de membre
Il s’agit le plus souvent d’une personne âgée séjournant en moyen et long séjour.
La découverte est hélas souvent tardive.
Elle comporte douleur brutale d’un membre (le plus souvent le pied, au pire tout le membre inférieur).
Le pied est froid, cyanosé et les pouls périphériques (pédieux) absent.
Si rien n’est fait, le membre devient marbré puis bleu.
Il faut déboucher au plus vite
le membre sous peine de séquelles motrices ou de gangrène nécessitant amputation.
Il faut protéger la zone ischémiée contre tout coup même minime.
Le mieux est de la protéger en l’emballant dans un pansement ouaté.
Ictère
C’est la couleur jaune de la peau, principalement au niveau des conjonctives.
Elle est associée à un prurit (envie de se gratter).
Selon la maladie il y a fièvre (hépatite) ou non (Cancer du pancréas, cirrhose, hépatite)
Réaction allergique
Une intolérance à des médicaments ou des aliments se traduit par des réactions diverses notamment une peau rouge généralisée ou par plaques.
Un œdème est parfois associé.
Dans sa forme majeure, elle peut être associée à une détresse circulatoire voire un arrêt cardiaque
Infection
Panaris
C’est une infection de la pulpe du doigt qui gonfle et devient rouge.
La douleur est intense empêchant de dormir.
Lymphangite
C’est une traînée rougeâtre sur le bras qui suit le trajet de la lymphe.Elle est en rapport avec une infection.
Il y a souvent des ganglions
Lipome
C’est une boule de graisse sous la peau.
Ce n’est pas dangereux. On peut la retirer chirurgicalement en ambulatoire.
Cancer de la peau
Le mélanome est un cancer de la peau favorisé par le soleil.
Il faut montrer régulièrement les grains de beauté au médecin.
Kyste pilonidal
C’est un poil qui pousse à l’envers vers l’intérieur juste au dessus de la raie des fesses.
Il peut s’infecter. Dans ce cas le transport se fera en décubitus ventral (sur le ventre) ou appui avec une bouée.
Une intervention chirurgicale s’impose.
Escarres
C’est la peau qui s’abîme par un appui prolongé (alitement, inconscience…).
La peau et tous ce qu’il y a en dessous ( graisse, muscles…) ne reçoit plus de sang donc d’oxygène et de sucre car le poids du corps fait “garrot”.
D’où l’apparition d’une ischémie puis d’une nécrose.
Constitution
Elles sont en rapport avec une compression de la peau et des tissus voisins par le poids du malade contre un plan dur chez un patient qui bouge très peu. La circulation sanguine est garrottée, elle s’arrête, les tissus ne sont plus irrigués. Il y a destruction de la couverture cutanée, peau voire tissus voisins, y compris parfois des muscles. L’os est parfois à nu!….
Regardez lorsque vous êtes avachie dans votre fauteuil en regardant la TV. Régulièrement vous changez d’appui en bougeant les fesses !
Quand ?
Elles surviennent chez des personnes âgées, alitées, immobiles, et chez les paraplégiques ou tétraplégiques.
Elles apparaissent aux zones peu rembourrées par de la graisse et prenant appui contre un plan dur:
–
les fesses et le sacrum,
– le talon,
– la face interne des genoux,
– le dos et la face postérieure du crane (occiput).
En théorie une escarre ne doit pas survenir. C’est un défaut de soins!
Facteurs favorisants
Ce sont:
–
fragilité de la peau, humidité
– trouble de la circulation du sang
– dénutrition (mauvaise alimentation)
– limitation mouvement, plan dur
– pli du drap
– action de la pression, pas de changement de position
– détérioration préexistant des tissus
Stades
Elles se reconnaissent d’abord par une zone rouge qu’on appelle “érythème”. Si on appuie avec le doigt, ça laisse une empreinte blanche qui disparaît rapidement. La vascularisation est encore bonne. Si des soins fréquents sont pratiqués, la plaque régresse.
Puis des plaques violacées et noirâtres, ensuite la peau s’ouvre avec une phlyctène. Un trou plus ou moins profond va se constituer. Des soins importants et prolongés seront indispensables avec parfois intervention chirurgicale.
Prévention
Le changement de position doit être fréquent avec massage des zones rouges.
Une hygiène rigoureuse est indispensable avec changement des draps et couches devant une incontinence.
On évitera la dénutrition grâce à une bonne alimentation.
Il sera installé à l’hôpital en position adaptée avec les zones d’appui protégées, si possible sur un matelas spécial type ” alternating” constitué de boudins d’eau ou d’air en mouvement.
La face interne des genoux ne se toucheront pas.
Toute rougeur sera immédiatement massé.
On surveillera particulièrement les zones d’appui : occiput, omoplate, sacrum, hanche (si sur le côté), face interne des genoux, talons.
Les draps n’auront pas de plis.
Transport
L’escarre est protégée. Surtout le malade est fréquemment changé de positions tout en protégeant les points d’appui.
Les draps seront propres et sans pli.
Toute manipulation demande le lavage des mains et le port de gants à usage unique.
Il faut respecter les règles élémentaires d’hygiène et surtout ne jamais laissé le malade dans ces déjections: selles ou urines. Il faut immédiatement nettoyer et changer les draps.
Si le trajet est long, les escarres (en voie de constitution) seront massées.
Aucun tuyau, sonde urinaire, voire poire d’appareil à tension(!) ne prendra appui sur le corps du patient.
Sans contre-indications, la personne boit abondamment.
Résumé
Points clefs
- L’examen de la peau fait partie du bilan initial.
- Toujours examiner l’état de la peau aux extrémités et aux cuisses-genoux
- Chaleur, couleur, humidité, pli cutané, hématomes sont les éléments à rechercher.
- Connaitre les facteurs favorisants l’escarre permet de mieux prévenir.
Répertoire
- Recopier et définir les mots suivants :
- escarre, hématome, ictère, cyanose, œdème
Conseil
- Le cours à télécharger et les exercices (quiz, test) sont disponibles à la fin du chapitre ou à la page exercices